Oxigênio em Durkheim (2002[1893])
Il importe beaucoup au contraire. C’est qu’en effet, d’une manière générale, la solidarité dépend très étroitement de l’activité fonctionnelle des parties spécialisées. Ces deux termes varient l’un comme l’autre. Là où les fonctions sont languissantes, elles ont beau être spéciales, elles se coordonnent mal entre elles et sentent incomplètement leur mutuelle dépendance. Quelques exemples vont rendre ce fait très sensible. Chez un homme, “la suffocation oppose une résistance au passage du sang à travers les capillaires, et cet obstacle est suivi d’une congestion et d’arrêt du cœur; en quelques secondes, il se produit un grand trouble dans tout l’organisme, et au bout d’une minute ou deux les fonctions cessent [Nota de rodapé 1: SPENCER, Principes de biologie, II, 131]” . La vie tout entière dépend donc très étroitement de la respiration. Mais, chez une grenouille, la respiration peut être suspendue longtemps sans entraîner aucun désordre, soit que l’aération du sang qui s’effectue à travers la peau lui suffise, soit même qu’elle soit totalement privée d’air respirable et se contente de l’oxygène emmagasiné dans ses tissus. Il y a donc une assez grande indépendance et, par conséquent, une solidarité imparfaite entre la fonction de respiration de la grenouille et les autres fonctions de l’organisme, puisque celles-ci peuvent subsister sans le secours de celles-là. Ce résultat est dû à ce fait que les tissus de la grenouille, ayant une activité fonctionnelle moins grande que ceux de l’homme, ont aussi moins besoin de renouveler leur oxygène et de se débarrasser de l’acide carbonique produit par leur combustion. De même, un mammifère a besoin de prendre de la nourriture très régulièrement; le rythme de sa respiration, à l’état normal, reste sensiblement le même; ses périodes de repos ne sont jamais très longues; en d’autres termes, ses fonctions respiratoires, ses fonctions de nutrition, ses fonctions de relation, sont sans cesse nécessaires les unes aux autres et à l’organisme tout entier, à tel point qu’aucune d’elles ne peut rester longtemps suspendue sans danger pour les autres et pour la vie générale. Le serpent, au contraire, ne prend de nourriture qu’à de longs intervalles, ses périodes d’activité et d’assoupissement sont très distantes l’une de l’autre; sa respiration, très apparente à de certains moments, est parfois presque nulle, c’est-à-dire que ses fonctions ne sont pas étroitement liées, mais peuvent sans inconvénient s’isoler les unes des autres. La raison en est que son activité fonctionnelle est moindre que celle des mammifères. La dépense des tissus étant plus faible, ils ont moins besoin d’oxygène; l’usure étant moins grande, les réparations sont moins souvent nécessaires, ainsi que les mouvements destinés à poursuivre une proie et à s’en emparer. M. Spencer a d’ailleurs fait remarquer qu’on trouve dans la nature inorganisée des exemples du même phénomène. “Voyez, dit-il, une machine très compliquée dont les parties ne sont pas bien ajustées ou sont devenues trop lâches par l’effet de l’usure; examinez-la quand elle va s’arrêter. Vous observez certaines irrégularités de mouvement près du moment où elle arrive au repos: quelques parties s’arrêtent les premières, se remettent en mouvement par l’effet de la continuation du mouvement des autres, et alors elles deviennent à leur tour des causes de renouvellement du mouvement dans les autres parties qui avaient cessé de se mouvoir. En d’autres termes, quand les changements rythmiques de la machine sont rapides, les actions et les réactions qu’ils exercent les uns sur les autres sont régulières et tous les mouvements sont bien intégrés: mais, à mesure que la vitesse diminue, des irrégularités se produisent, les mouvements se désintègrent [Nota de rodapé 2: SPENCER, Principes de biologie, II, 131].” (Durkheim 2002[1893]:114)
DURKHEIM, Émile. 2002[1893]. De la division du travail social. Livres 2 e 3. Chicoutimi: Les Classiques des Sciences Sociales.