Alumínio, estanho e chumbo em Simondon (2005 [1958])
L’importance des discontinuités quantiques est donc variable avec la vitesse de la particule. Ce résultat déductif est important, car il montre qu’une particule comme un électron tend vers un régime de continuité quand sa vitesse tend vers celle de la lumière; elle est alors fonctionnellement macroscopique. Mais on doit se demander si cette conclusion est pleinement valable. Quel est en effet le véritable sens de cette limite, à savoir la vitesse de la lumière? Ce n’est pas la mesure exacte de cette vitesse qui importe absolument, mais bien l’existence d’une limite qui ne peut pas être atteinte. Or, que se passerait-il si un électron atteignait une vitesse très voisine de celle de la lumière? N’existe-t-il pas un seuil au delà duquel le phénomène changerait complètement d’aspect? La physique a déjà présenté au moins un exemple très important de l’existence d’une limite que l’on ne pouvait prévoir par simple extrapolation : on peut tracer les courbes qui donnent les résistivités des métaux en fonction de la température, et ces courbes sont assez régulières dans un intervalle de plusieurs centaines de degrés. La théorie montre qu’au voisinage du zéro absolu, la résistivité d’un métal doit tendre vers zéro. Or, l’expérience montre que pour certains corps, la résistivité, au lieu de décroître peu à peu, tombe brusquement au-dessous de toute valeur mesurable; c’est la supraconductibilité. Ce phénomène se produit à 7,2° absolus pour le plomb, de 3,78° pour l’étain, de l,14° pour l’aluminium (expérience de Kamerlingh Onnes). Les modernes accélérateurs de particules permettent de lancer les électrons à des vitesses très voisines de celles de la lumière. L’énergie peut alors devenir considérable, COmme dans le bêtatron de 100 millions d’électrons volts de Schenectady, sans que les prévisions conformes à la théorie de la relativité soient en aucune manière mises en défaut; cependant, on peut supposer qu’il existe un seuil non encore atteint au delà duquel le phénomène changerait si nous pouvions l’atteindre. Il existe par conséquent actuellement une limite empirique à l’application du principe de la relativité à l’électron; il est difficile de concevoir que cette limite puisse être supprimée, car on ne peut communiquer une énergie infinie à un électron. Par ailleurs, il semble exister certaines nécessités théoriques de concevoir une limite supérieure à des grandeurs caractéristiques de l’électron, comme celle du champ électrique qui règne sur le rayon de l’électron (dans la représentation classique) ; or, si l’on cherche la température d’un corps noir dont la densité d’énergie de radiation serait due à la propagation de ce champ maximum, on trouve une température supérieure de l’ordre de 10 12 degrés Kelvin. Cette température est celle qui paraît régner au centre de certaines étoiles naines blanches. On ne connaît ni températures plus élevées, ni champs électromagnétiques plus intenses. (d’après Y. Rocard, Electricité, p. 360). (Simondon 2005 [1958]:127-8)
SIMONDON, Gilbert. 2005 [1958]. L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information. Grenoble: Éditions Jérôme Millon.